Emballage et développement durable // Vive le V.R.A.C

Le prototype #17 « Paul »

Aujourd’hui voici la suite et fin de cette série de posts concernant mon projet de diplôme en DSAA. Avec d’abord une petite explication, puis une vidéo « making-of », et enfin les dernières nouvelles du projets 🙂

1) Le compromis idéal

Après avoir poursuivi pendant de nombreux mois des améliorations spécifiques de produits existants. Ou d’autres idées plus utopiques… Aucune n’était vraiment satisfaisante. Elles apportaient toutes quelque chose, mais en terme d’impact elles n’étaient pas à la hauteur de l’ambition qu’on pouvait espérer.
Car comme le dit Emilie Piloton dans son Design Révolution Toolkit(pdf) : « minimiser l’impact négatif n’est pas suffisant, il faut aller au-delà et maximiser l’impact positif… »

Pourtant, je sentais que la solution n’était pas loin.
C’était le bon moment pour prendre un peu de recul et se reposer les questions essentielles ; à l’origine l’emballage était bien un levier pour avoir le plus grand impact possible en essayant d’atteindre cet impossible état de non-emballage. Impossible… vraiment ?

Lors d’une conférence intitulé « designing for social innovation and sustainability » Ezio Manzini disait : « La prochaine économie n’est pas une utopie… Elle est déjà là aujourd’hui, grandissant dans la trame de l’ancienne. Il nous faut simplement la reconnaître, et choisir de faire ce que l’on peut pour la favoriser. »
Or, dans l’emballage, il me semble que ce « modèle idéal » c’est la distribution de marchandise en vrac, dans lequel on est déjà proche de la suppression.

En faisant la synthèse de nombreux signaux et tendances, ce système apparaît comme une possible solution d’avenir cohérente. Car si la vente en vrac avait reculé (au point de n’être plus qu’une niche ?), aujourd’hui cette pratique gagne du terrain et pourrait même être dans le futur une nécessité incontournable.
On peut donc déjà préparer le changement, chercher à favoriser le retour de ce modèle…

(exemple avec cette expérience chez Asda : New dispensers cut packaging by 96,3%)

2) Vive le vrac, en bref

Si les produits ne sont pas autant emballés c’est aussi qu’ils viennent généralement de moins loin (ces mandarines chinoises en sont l’exemple inverse) et nécessitent par conséquent moins de protection. On peut donc penser que cela permet de soutenir une production qui est en train de se relocaliser.
Sans le coût d’un emballage classique (de 5 à 40% du prix), nous pouvons avoir des produits à un meilleur coût et/ou de qualité supérieure, et surtout en acheter uniquement la quantité dont on a besoin (ou comment avoir les « portions » au prix du gros).

Par conséquent c’est un modèle intéressant socialement, mais aussi d’un point du vue environnemental, et économique. Ce qui correspond aux fameux 3 piliers du développement durable et permet donc de s’inscrire dans cette démarche.
« Avec tout ça on sauve le monde, t’a 100 balles et un mars (non-emballé) qui dit mieux ? »

Nouvelle vision donc, mais alors « comment favoriser le vrac ? »

3) Le projet V.R.A.C

La première pensée était de chercher à « sensibiliser » le public via une communication, des affiches, ou je n’sais quoi.
On aurait pu justifier ce détours… mais non, après tout c’est l’emballage ma cible de départ.
Emballage + vrac, n’y aurai-t’il pas quelque chose à faire ?

Recherche de problèmes/solutions

Après des mois de recherche, entre de précédentes pistes sur la consigne, ou par le point d’entrée du « contenu » (quels emballages pour des liquides, solides, poudres ? etc.) et tout ce que j’avais pu apprendre, c’est comme s’il ne restait plus qu’à tout relier dans le bon ordre.

La forme de départ du concept, le tétraèdre, vient des précédentes recherches en biomimétique, avec la redécouverte qu’il s’agit de la forme optimisant au mieux la surface de matière utilisée par rapport au volume qu’elle contient, d’après l’observation de graines notamment (cf asknature).

Et d’un autre coté, l’observation a montré que si le vrac c’est bien, « eh bah c’est pas toujours pratique… » principalement à cause des sachets en papier jetables.
En effet il sont relativement fragiles, ce qui rend parfois le remplissage compliqué (vous risquez d’en mettre partout si vous n’avez pas l’habitude), au passage en caisse il faut les rouvrir pour vérifier le produit (ou avoir noté la référence sur chacun) les refermer, puis il faut les transporter au retour (ça peut être drôle en cas de pluie) et transvaser le contenu une fois à la maison.

Les employés du magasins était parfaitement conscients de ça, et à la question « des gens apportent-t’ils parfois leur propre contenant ? » une sympathique caissière ma dit que « malheureusement non, les gens réutilisent peu les sacs et parmi ces rares personnes un seul apporte ses boites » ; mais eux même utilisaient des tupperwares quand ils font leurs courses sur place.

Comment faciliter/généraliser cet usage ?

J’ai donc fait de même, et l’expérience m’a permit de voir que rien n’avait été pensé dans cette optique… on est en effet obligé de faire peser sa boite avant de la remplir, noter le poids sur un post-it (là je vous laisse imaginer le chaos si tout le monde faisait ainsi) pour ensuite faire la soustraction au moment de la pesée en caisse (opération qui est par contre très rapide).

Du coup ça peut paraître idiot mais il suffirait que l’information du poids de l’emballage vide fasse partie de celui-ci (pour éviter d’avoir à le peser). Et pour peu que le poids soit standardisé on pourrait encore simplifier tout ça.

Il y avait donc bien quelque chose à faire. En tachant de répondre à ces quelques contraintes que je m’étais posé :
Technique : volume auto-portant, pliable, refermable
Usage : identification du contenu, remplissage facile, utilisation quotidienne, intégration au système scan-caisse-pesage, facilement transportable
Estime : agréable, séduisant (tant qu’à faire), différent du jetable, reconnaissable, revendiquant son statut/identité (qu’on soit fier d’acheter en vrac).

Comme on dit l’idée c’est 1% du travail, il reste ensuite les 99% restant.
Vous montrer toute l’histoire ici risquait de faire un peu beaucoup, à la place voici une vidéo qui tente de résumer les 3 derniers mois en quelques minutes grâce aux photos prises :

Passez au V.R.A.C !
Pour le diplôme on avait un petit budget « impression », de quoi faire tirer un sympathique format de 2m x 1m50. J’en avais profité pour faire un résumé des principaux avantages (aujourd’hui il me sert notamment à l’échelle d’un dépliant).

(La « série limité façon Paul Smith » rend pas mal, il faudrait que je lui demande si c’est possible de l’utiliser…)

Un peu plus en détail :

Au final, en terme de potentiel, le projet s’adresse aux personnes déjà engagées (comme pour les cabas, une dizaine de réutilisation suffit à les rendre plus intéressants que des sacs jetables), mais aussi et surtout à tout les autres que ces emballages pourraient éventuellement séduires et motiver à acheter en vrac, car cette fois le gain en comparaison des emballages classiques est tout simplement énorme.

De plus, on notera que quasiment tout les produits passent par une étape « en vrac » chez les industriels avant d’être emballés au détail, en théorie le vrac serait donc généralisable à tout les produits…
Même si on en est pas encore là, dans cette logique j’avais abordé un peu les espaces de ventes, qui pourraient être repensés pour que le vrac ne soit pas que dans un coin mais aussi en grappes au centre du magasin par exemple… (d’où les quelques 3D de distributeurs prévus pour s’organiser en cercle, en vague ou autre, et la maquette de plv pour V.R.A.C à la fin de la vidéo).

Pour l’histoire de la pesée, le temps qu’on perd en corrigeant manuellement le poids en caisse est compensé par celui qu’on gagne en évitant de devoir ouvrir chaque sac (surtout quand quelqu’un s’amène avec 20 sacs…^^), si le système de code barre était adopté ça irai donc tout seul.
En fait même un code barre classique pourrait faire l’affaire avec un « poid mort » (une référence négative), le code barre 2D aurait donc l’avantage de directement donner une instruction à la caisse ce qui ferait moins de travail pour le magasin (en comptant sur leur généralisation dans les prochaines années).
Intégrer une puce RFID aurait été pratique pour par exemple compter le nombre de réutilisation, et accorder une remise en fonction de ça, un peu à la manière de l’expérience menée chez Asda.
Mais puisque ça pourrait marcher avec un qr-code autant faire au plus simple.

Petites nuances à connaître : ci-dessus à gauche un type « data matrix » et à droite un « quick-response code » qui peut contenir beaucoup plus d’informations.

4) Réalisation concrète :

Comme toujours mon objectif était de développer un projet « pour de vrai », alors même si il représente la synthèse de plein de choses et la fin du DSAA, la suite continue évidemment en parallèle !

Surtout en voyant les réactions positives des nombreuses personnes à qui j’ai montré ou fait tester ce projet (clients, employés de caisse, ou même directeurs de magasins).

Modèles déposés (publiés au BO récemment).
Recherche d’un fabricant [en cours] [trouvé]
C’était un peu juste à l’échéance du diplôme, mais la base de donnée constituée à ce moment là m’a permis d’en trouver un pas loin de Nancy… où je suis justement cette année en master 2 ^^

Un site internet est en construction, il servira à faire la promotion du vrac (puisque le « marché » auquel sont destinés ces V.R.A.C dépend de cet écosystème) en expliquant l’intérêt de cette pratique, où trouver un magasin à coté de chez soi, et aussi pour l’éventuelle vente d’emballages : vivelevrac.com

Pour le moment c’est encore assemblé patiemment au fer à souder… Les prototypes #11 #19 #20 #21 et #22 sont ainsi entré en circulation fin septembre.

Vous pourrez voir la suite de cette affaire sur flickr (quand j’aurai fini de tout uploader) et par ici avec un nouveau tag « vivelevrac ».

4 réflexions au sujet de « Emballage et développement durable // Vive le V.R.A.C »

  1. Salut, Ton projet m'interesse beaucoup, et pour cause, j'ai traité de la même problématique en DSAA à Strasbourg…(2008-2010) et nos projets semblent assez complémentaires. Je suis actuellement à Nancy et je pense qu'une rencontre pourrait s'avérer très enrichissante…
    Nicolas Vicaire

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