Expérience #4

La nature est une formidable source d’inspiration, Frei Otto l’a prouvé dans toute son Œuvre. Et c’est également une base de ma réflexion sur le Design (qu’il faudra que je publie un de ces jours).

L’idée du soir me vient de l’observation d’un fruit, vous allez comprendre…

« Hmmm si j’arrive à trouver le rapport entre la peau d’un kiwi et son volume…peut-être que ça pourrait faire un bon repère, une sorte de « taux d’emballage »

Par exemple, si un kiwi a un volume d’environ 100cm³, et que sa peau représente 3-5cm³.
Alors on pourrait se fixer une limite de 3-5% d’emballage/volume emballé, dans le cas de produits similaires : relativement dense et peu sensible aux chocs.

Naoto Fukasawa, prototype Packaging, Kiwi Fruit Packaging, Takeo Paper Show, 2004. (Image empruntée sur blog de Tom Howard) Clin d’œil à un fameux concept d’emballage, bien que l’idée ici soit plus basée sur un aspect sensoriel.

En revoyant les spaghettis en train de bouillir je me suis dit que le sachet qui a servit à les emballer doit être dans ce type de proportion, même mieux.

Mais c’est un principe à garder en tête.

Et voila que je vient de trouver une possible transition pour la structure du mémoire, entre une vision du design et l’analyse fondamentale de l’emballage que je compte déployer. Peut-être grâce à ce type de comparaison, de leçons que l’on peut trouver dans la nature ou au quotidien. Qui sont d’inépuisables sources de réflexions pour peu qu’on les regardes vraiment…

Merci petit kiwi.

Totem To Theme / La réalisation du « cube »

Dans un billet précédant je vous parlais de l’introduction au sujet… à présent voici un aperçu du volume représentant ma thématique « emballage et développement durable »:

Mais remontons quelques semaines en arrière…afin de suivre les étapes de la réalisation, et essayer d’analyser la réflexion qui m’a conduit jusque là.

En général les premières idées sont comme la vase qui trouble l’eau : il faut les évacuer pour atteindre des couches sédimentaires plus intéressantes…
Le premier principe qui m’est venu était d’utiliser un principe d’accumulation, à la manière d’Armand ou des monstres qu’on aperçoit dans les clips de l’ADEME… Aussitôt enterrée avec la précision « ni mots, ni objets manufacturés ».
Et ce n’est pas plus mal : l’accumulation aurait pu évoquer une surproduction, ou dénoncer un esprit consommation, mais on aurai été loin des préoccupations environnementales qu’il fallait inclure, tout en permettant de faire autre chose.

Recherches

Trouver un moyen de parler d’emballage, sans en utiliser un seul…ce n’est pas très rassurant mais plus intéressant.

Dans les premières explorations j’étais déjà dans une suggestion de réponse au problème…j’essayai de transposer le principe du verre want/need.
Ce qui donnait des propositions trop conceptuelles, peu lisible ou au contraire trop évidentes, et qui finalement ne parlaient pas vraiment du thème.

(remarquable idée d’alesina design)

Changer de support (feuille quadrillé -> feuille blanche) et d’outil a peut-être contribué à changer d’approche… Cette fois on ne part plus directement de l’emballage mais du concept de « cycle fermé » propre à une conception durable (ou simplement bien pensée).

Lister par écrit les différentes notions fut très utile. J’en avais oublié certaines, du coup c’est autant de nouvelles possibilités qui se sont ouvertes. Sur environ une trentaine de propositions, c’est finalement la 28ème qui semblait le mieux concilier ce que je voulais intégrer tout en ayant une certaine lisibilité.

L’idée développée

Au 1er degré de lecture : une simple « boite qui pousse » mais, comme vous pouvez le deviner, la signification visée est plus large.

Assez réfléchit… Il y a un moment où il faut passer à la bonne maquette bien tangible !

En allant chercher du carton plume pour les essais et autres maquettes, je suis tombé sur cette mousse assez dense :

Hasard et récupération de matière.

D’abord en pensant en faire de la poussière pour imiter la couche de terre…

Mais en manipulant le matériau je me suis dit que c’était absurde, il valait mieux le prendre pour lui-même : sous forme de strates. Ce qui est également un moyen de symboliser la terre (et/ou la Terre) et bien plus pratique pour le transport (on n’en met pas partout).

Le dessin évolua en parallèle :

Il fallait donc réfléchir à comment ces strates pouvaient prendre place. Leurs formes, les découpes, ainsi que l’empreinte du cube dans celles-ci…
La quantité de mousse récupérée étant limité j’ai préféré commencer par un test en carton plume.

La maquette

D’abord avec un triangle, puis en essayant une intersection cube-strate plus complexe mais donnant un meilleur effet d’émergence…

Test avec des bandelettes pour l’effet des racines

Pour la suite, calculer les intersections entre les strates et le cube à la main aurait été faisable, mais long et fastidieux, un petit détour par un logiciel de 3D permet donc de gagner beaucoup de temps.

L’occasion également de visualiser l’idée, précisément dans le volume de 50x50x50 cette fois.

(l’angle d’imbrication définit une empreinte précise)

Ce qui permet d’obtenir les différentes cotes et mesures des découpes, du cube, de la hauteur de la 1ère strate, du volume matière nécessaire, etc.

Le « totem »

Je voyais plus ou moins comment faire, mais l’idée d’origine allait encore évoluer avec la réalisation…

Les 6 parties composant le totem

Après avoir évalué la quantité approximative de mousse qu’il me fallait. Restait à former les strates…ce qui fut le plus long du travail.

Le support en bois, et le cube de test de 20cm de coté

La scie à ruban ayant obligé à revoir la dimension des morceaux (pour pouvoir les recouper en épaisseur), l’assemblage devint une sorte de puzzle, où il fallait trouver lesquels allaient bien ensembles, selon leur dimensions, leur état de surface, l’arrangement des lignes etc.

Arrivé à la 4ème strate je me suis rendu compte que j’avais sous-estimé la quantité de mousse… mais du carton ondulé et du carton blanc, également récupérés, ont fait l’affaire pour compenser. Et finalement c’est pas plus mal dans l’idée de la strate géologique.

Essai avec vue sur notre magnifique table de réunion

Passé la 2ème strate s’est posé un problème…comment poser les suivantes ?
La découpe correspond bien, mais comme on peut voir sur la maquette il est impossible d’enfiler les suivantes sur le cube à cause de ses sommets…

Le plus simple a été de faire en sorte de pouvoir glisser le cube selon le plan d’une face.
Il a donc fallut recouper 3 épaisseurs :

Sauf les deux dernières pour lesquels j’ai gardé l’astuce de la maquette afin que les découpes ne soit pas visibles, ainsi une fois assemblés la boite émerge proprement.

L’effet de décalage entre les strates était voulut, il m’intéressait car me rappelant les plateaux des rizières, mais en voyant ce que ça donnait j’ai décidé de reprendre les bords.
Net cette fois, mais un peu incliné pour rester dans une idée de progression vers le haut.

Recherche ensuite de matériaux pour faire la partie inférieure, celle du code barre « racine ».
D’abords à partir d’emballages recoupés en bandelettes plus ou moins larges.

Après réflexion j’ai préféré réutiliser les restes de mousse noire, avec des bandes d’une mousse blanche similaire (récupérée dans un emballage).

Puis recherche de leur disposition, en faisant en sorte de cacher les pieds tout en ayant cette alternance entre noir/blanc, fin/large (afin d’évoquer un code barre)

Traçage des lignes d’orientation sur le support,

puis collage des pieds, et enfin de la mousse.

Petit aperçu avec une seul strate (ou mode « mois de juin ») :

Au tour de la boite, avec d’abord une tentative un peu approximative…

Et une deuxième, prenant bien en compte l’épaisseur du carton pour les replis cette fois…

Qui du coup s’encastre parfaitement 🙂

Ne reste plus que la partie supérieure, je pensais la faire en fil de fer au départ…

Mais en y réfléchissant, quitte à vouloir un symbole « naturel » en rupture avec le reste, autant prendre une vrai plante.
Un bambou me sembla donc un meilleur emblème.

Cette si merveilleuse plante à croissance rapide que l’on retrouve dans de plus en plus de projets « écolo »… (« l’inconvénient étant qu’en choisissant le bambou les chinois auront toujours une longueur d’avance » disait un jour M. Zuy, conseillant de faire avec des matériaux plus locaux et donc moins facilement imitables).

La brique servant de pot pour la plante.

Sans oublier la découpe du coin supérieur de la boite pour laisser passer la plante

Les finitions

Il manquait encore un petit quelque chose…hmm…

1. Plus de verdure ! Bien qu’il soit normal qu’au stade « novembre » il y en ai peu en comparaison de ce qu’on peu imaginer pour le mois de juin.

2. La sciure que j’avais mis de coté « au cas où » après les découpes… a permit de donner un meilleur effet de sol, et travailler aussi l’aspect de la mousse tout en comblant les quelques trous qu’il y avait.

3. Remodelage du coin avec un peu d’eau, pour qu’il fasse moins « tranché » (après tout dans l’idée c’est la plante qui perfore la boite).

Et voilààà !

On peut déjà imaginer que la plante va croître, donc avec le temps le totem évoluera, mais j’enlèverai également une couche  régulièrement, afin que la boite émerge de plus en plus, réduisant du même coup son empreinte dans le sol.

De cette manière j’aurai une sorte d’indicateur à reprendre sur les compte-rendu mensuels que je pense faire au fil du projet.

Concernant le totem à présent, j’ai voulu garder à l’esprit plusieurs niveaux de lecture possible.

Jouer avec les clichés (feuille=nature), les archétypes (emballage=boite en carton), permet d’envisager 3 interprétations et ainsi de créer un dialogue une fois la première curiosité passée…

1. emballage+plante
Au 1er degré on pensera peut-être à ces concepts de packaging que l’on peut jeter, et desquels pousse ensuite une plante (exemple ici, ou )

2. emballage+nature
Avec le glissement sémantique on entre vraiment dans la thématique.
« L’emballage de demain » aura un rapport à l’environnement bien plus développé et responsable que le greenwashing actuel. L’éco-conception est une question de bon sens…

3. sociétés+nature : nouveau paradigme pour un monde entropique ?

Si « les produits sont le reflet de la société qui les fabrique » et bien les emballages, par leur renouvellement quasi-instantanés, nous offrent un regard immédiat sur nos civilisations et leurs évolutions.

Aujourd’hui on parle beaucoup de l’empreinte de l’Homme sur la planète, et du modèle économique dont les racines sont profondément enfouis dans une consommation croissante insensé. Mais « de la bouse peut pousser une merveilleuse graine » dit l’adage (ou quelque chose comme ça…), et cette sombre période a au moins le mérite de remettre en cause nos fondamentaux. Au pied du mur nous assisterons peut-être à une révolution (ou à notre extinction si on est pessimiste).

Heureusement les consciences évoluent, de manière indéniable. Depuis les années 70 la sonnette d’alarme est tiré par des écologistes, mais ce qui était vu comme marginal devient une sorte de nouveau credo et on distingue de plus en plus de signaux de cette « crise de conscience » et d’une évolution plus globale… Mais je m’arrête ici, cette réflexion fera l’objet d’autres billets, et celui-ci est déjà assez long.

En résumé, le compromis entre clarté et profondeur (ou entre évidence et concept fumeux) n’est pas simple… mais dans ce cas j’espère avoir mis au point un espace qui symbolise de manière compréhensible ce vaste questionnement.
C’est là qu’un avis extérieur, cher lecteur/lectrice, est précieux.

Qu’en pensez vous ? Trop évident ou pas assez compréhensible ?
Est-ce qu’il faudrait changer quelque chose dans cette présentation ?

Ou si vous avez des questions, des remarques…n’hésitez point 😉